Peut-on dire encore des choses intelligentes en campagne électorale ?


Hier, dans ma réponse à l’unique commentaire suscité par mon dernier post ( Voir: « Consensus politique et acquis culturels »), j’annoncai un nouvel article pour aujourd’hui, car j’ai plus que jamais envie de partager pour comprendre, et un seul écho, c’est quand même maigre…

C’est encore  dans Le Figaro (du 26 avril 2012, rubrique « Débats et opinions », page 16) que j’ai découvert et apprécié un texte dans lequel on défend une opinion, mais sans invective, sans humour ayant pour seul objet de faire mal à un adversaire, sans affirmations outrancières non plus, bref un texte intelligent à faire partager.

Il est signé par Jean-Louis Chambon, Président d’honneur et fondateur du cercle Turgot. Le cercle Turgot est un Thinktank (groupe de réflexion pour ceux fâchés avec les anglicismes) regroupant des économistes et des chefs d’entreprise, dans le cadre de l’Institut de Haute Finance. On y trouve en qualité de membres d’honneur des personnalités appartenant à la majorité actuelle comme Alain Juppé, Jean-François Coppé, Hervé Morin, mais aussi des personnalités de l’opposition socialiste comme Michel Sapin, Jean-Pierre Jouyet. C’est dire qu’il est possible d’y échanger des idées, et peut-être même d’en partager. Voici donc ce texte:

De l’engagement des dirigeants et des «oubliés» de la campagne

par Jean-Louis Chambon,

Président d’honneur et fondateur du Cercle Turgot

Dans cette campagne présidentielle, où la surenchère fiscale côtoie souvent l’outrance voire l’insulte, une prise de position claire des « patrons », « pilotes » des entreprises, est éminemment souhaitable car leur responsabilité est engagée.

En effet, si la droite devait perdre les élections, ce serait moins pour son bilan, au demeurant respectable dans le contexte de crise, qu’en raison de la pollution de son image liée aux dérives comportementales de quelques-uns de ses représentants emblématiques.

En sous-estimant l’exigence d’exemplarité pesant sur les élites, les responsables patronaux se sont contentés de timides recommandations, au plan de l’éthique (code Afep-medef), et ont fait le lit à une dégradation de leur image sans précédent.

C’est que les symboles ont pris le pas sur l’efficacité, et la communication sur les valeurs.

A contrario, si la gauche gagne, c’est que sa stratégie de contournement des vrais sujets, ceux qui menacent l’avenir du pays, c’est-à-dire la perte de compétitivité de l’entreprise France et nos dépenses publiques démesurées, aura été une réussite… en tout cas pour le court terme.

C’est ainsi que, sous la pression de l’opinion, le déni de réalité d’une « France frivole » aura su passer sous silence pour un temps, via des promesses de surimposition quasi confiscatoires, le niveau de nos prélèvements obligatoires (un des plus élevés de L’OCDE), le déficit structurel de notre commerce extérieur et notre dette himalayenne (de 1 700 milliards d’euros, soit sept années de recettes de l’état…).

On peut donc craindre que « ces oubliés » de la campagne ne deviennent les premiers invités de l’après… et donc, selon les résultats, soit des marchés (qui exigeront hausse de taux d’intérêt, nouvelles garanties et mesures drastiques, ainsi que l’assurance d’un large consensus politique sur de nouveaux objectifs…), soit de la « rue », comme le prédisent les nostalgiques des paradis communistes.

L’unique certitude à ce jour, c’est que la finance, l’« ennemie », viendra frapper à la porte, rappelant que certes elle est l’ennemie des faibles et des surendettés, mais aussi, et avant tout, l’alliée des forts et des prêteurs.

Je doute que l’on puisse compter sur la compassion de nos partenaires européens, les uns se serrant déjà par trop la « ceinture » et les autres nous ayant largement prévenus.

Dans cet « après », dont la difficulté est sans doute très sous-estimée par les candidats, les « pilotes » d’entreprise, qu’ils soient grands managers, propriétaires familiaux, dirigeants salariés, se retrouveront en première ligne pour maintenir la France dans le groupe des pays avancés, sauvegarder la démocratie et les espérances de notre modèle social. Il serait donc judicieux que dès maintenant l’engagement patronal soit plus fort et plus visible (le principe de neutralité ne tient pas eu égard aux actions des autres partenaires sociaux).

Afin de donner une vision claire de la pertinence des politiques proposées, trois axes s’imposent :

– s’engager dès maintenant sur le chantier de la nouvelle compétitivité de notre industrie, en déclin depuis dix ans, avec moins d’illusion sur le rôle des services dans l’équilibre de nos comptes extérieurs et en associant mieux les financiers à l’ensemble des projets ;

– participer à la pédagogie nécessaire pour la maîtrise de nos dépenses publiques ;

– enfin, et peut-être surtout, traiter l’« urgence éthique ».

Les employeurs devraient retenir la leçon : plus rien ne peut se faire à titre professionnel ou privé en dehors du regard de l’opinion. L’exemplarité des élites est une exigence non négociable.

Il faut maintenant aller plus loin que les simples recommandations : bâtir une véritable charte de déontologie construite entre pairs faisant l’objet de contrôles et de sanctions en cas de dérives. Sans sanction, il n’y a pas de règle. C’est sans doute à ce prix que le corps social des dirigeants retrouvera une crédibilité qui conditionne très largement son pouvoir d’influence dans la société civile.

(Fin de l’article cité).

Qu’en pensez-vous ?

Pierre Cormault

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